17

 

Toutes les femmes dans mon living étaient joyeuses. Certaines plus que d’autres, naturellement, mais aucune n’était triste. Elles étaient présentes pour offrir des présents à quelqu’un qui le méritait, et elles étaient toutes heureuses que Tara attende des jumeaux.

Les papiers de soie jaunes, verts, bleus et roses s’amoncelaient de façon presque alarmante, mais Tara recevait vraiment beaucoup de choses, de l’utile comme de l’agréable.

Dermot se rendait discrètement utile à servir les rafraîchissements et ramasser tous les papiers cadeaux pour que le sol reste libre de tout obstacle – certaines de mes invitées âgées avaient tendance à trébucher, et je ne voulais pas d’accident. La mère et la grand-mère de JB étaient présentes, et cette dernière avait bien soixante-quinze ans.

Dermot s’était montré à ma porte de derrière plus tôt dans la matinée et je l’avais laissé entrer en silence, avant de retourner à mon café. Il avait à peine posé le pied chez moi que je me sentais déjà incroyablement mieux. Pourquoi n’avais-je pas remarqué ce phénomène plus tôt ? J’étais sans doute trop profondément affectée par le lien de sang, sous l’influence de trop de choses surnaturelles. Je ne me sentais pas forcément mieux d’être libérée.

Néanmoins, j’étais de nouveau connectée à la réalité.

Quand mes invitées ont pu examiner Dermot à loisir, elles se sont rendu compte de sa ressemblance frappante avec Jason, échangeant force regards interrogateurs. Je leur ai dit qu’il s’agissait d’un cousin éloigné, de Floride. J’ai perçu alors sous le crâne de nombreuses dames qu’elles allaient consulter sérieusement leurs arbres généalogiques pour trouver ce mystérieux lien de parenté en Floride.

Aujourd’hui, je me sentais enfin moi-même. Je faisais ce que j’étais censée faire, au sein de ma communauté. Je n’étais plus vraiment la personne qui avait participé au massacre de la veille.

Je sirotais mon verre. Le punch de Maxine était parfait, le gâteau que j’avais pris à la pâtisserie, tout simplement délicieux, mes allumettes au fromage, croustillantes à souhait et légèrement épicées, et les noix de pécan salées, grillées à la perfection. Nous avons joué au traditionnel Baby Bingo tandis que Tara, radieuse, ouvrait ses cadeaux et nous remerciait avec effusion.

Au fur et à mesure que la fête avançait, l’ancienne Sookie Stackhouse revenait progressivement. Je me trouvais entourée de personnes que je comprenais et je faisais quelque chose de bien.

En prime, la grand-mère de JB m’a raconté une merveilleuse histoire au sujet de ma grand-mère.

Tout bien considéré, ce fut un très bel après-midi.

Tout en rapportant un plateau couvert de vaisselle sale dans ma cuisine, je me disais : C’est ça, le bonheur. Hier soir, ce n’était pas vraiment moi.

Mais j’avais tort. Et je n’allais pas pouvoir me persuader du contraire. J’avais changé, pour survivre. Et je payais le prix de cette survie. J’allais devoir accepter le fait que j’avais changé pour toujours. Sinon tout ce que je m’étais forcée à faire n’aurait servi à rien.

— Sookie, tout va bien ? m’a demandé Dermot en apportant d’autres verres.

— Oui, merci.

J’ai tenté de lui sourire mais sans grand succès.

Puis j’ai entendu un coup frappé à la porte. Quelqu’un devait sans doute être arrivé en retard et voulait s’intégrer sans se faire remarquer.

Maître Cataliades se tenait sur le seuil. Il portait un costume, comme toujours. Pour une fois, cependant, il paraissait légèrement chiffonné. Légèrement moins replet que d’habitude, il souriait poliment. J’étais stupéfaite. Et pas tout à fait certaine de vouloir lui parler. Mais c’était bien le seul être au monde qui puisse répondre à mes grandes questions personnelles. Je n’avais pas vraiment le choix. Je l’ai donc invité à entrer, m’effaçant pour lui laisser le passage.

— Mademoiselle Stackhouse, m’a-t-il saluée d’un ton très formel. Je vous remercie de votre accueil.

Il a fixé Dermot, qui lavait la vaisselle avec grand soin, très fier de s’être vu confier la responsabilité de la porcelaine de Gran.

— Jeune homme, a-t-il simplement dit en guise de salut.

Dermot s’est retourné et s’est figé sur place.

— Démon, a-t-il répondu en retour.

Il s’est remis à sa besogne, et je voyais que ses pensées se bousculaient au portillon.

— Vous recevez du monde, a fait remarquer Maître Cataliades. J’entends un grand nombre de femmes dans votre demeure.

Je n’avais même pas remarqué la cacophonie des voix féminines qui flottaient jusqu’à nous. On aurait pu croire qu’il y avait là une soixantaine de femmes, plutôt que les vingt-cinq invitées présentes.

— Effectivement, c’est le cas. C’est une fête, une Baby Shower pour une de mes amies.

— Peut-être pourrais-je m’asseoir à votre table de cuisine jusqu’à ce qu’elle soit terminée ? a-t-il suggéré. Un petit morceau à manger, peut-être ?

Je manquais à tous mes devoirs.

— Bien sûr ! me suis-je exclamée précipitamment.

Je lui ai rapidement préparé un sandwich au jambon, accompagné de chips et de pickles, avec une coupelle de friandises festives. Je lui ai même servi une tasse de punch.

Les yeux noirs de Maître Cataliades luisaient devant toute cette bonne chair. Ce n’était peut-être pas aussi raffiné que ce dont il avait l’habitude (pour autant que je le sache toutefois, peut-être se nourrissait-il de souris toutes crues), mais il a attaqué son repas avec ferveur. Sans être tout à fait détendu, Dermot semblait ne pas se soucier outre mesure de la présence de l’avocat. Je les ai donc laissés se débrouiller tous les deux et m’en suis retournée dans la salle de séjour – ça ne se fait pas, pour une hôtesse, de s’absenter trop longtemps.

Tara avait fini d’ouvrir tous ses cadeaux. McKenna, son assistante à la boutique, avait accroché sur chacun d’eux une petite carte indiquant qui avait offert quoi. Tout le monde parlait de son propre accouchement dans les détails – ô joie suprême – et Tara répondait aux questions qui fusaient sur son obstétricien, la maternité qu’elle avait choisie, les noms des bébés, le sexe des bébés, combien de temps il restait avant la date présumée… c’était interminable.

Petit à petit, cependant, les hôtes ont commencé à partir. Dès que la dernière a fermé la porte, j’ai dû repousser les attaques de Tara, sa belle-mère et Michèle, la petite amie de Jason, qui voulaient toutes m’aider avec la vaisselle.

— Certainement pas, laissez-moi tout ça ici, c’est mon boulot ! me suis-je exclamée fermement – je croyais entendre ma grand-mère et j’ai failli éclater de rire.

Si je n’avais pas eu un démon et un faé dans ma cuisine, d’ailleurs, c’est ce que j’aurais fait.

Nous avons chargé tous les cadeaux dans les voitures de Tara et de sa belle-mère, puis Michèle m’a invitée pour le week-end suivant – elle et Jason voulaient préparer des filets frits de poissons-chats. Je lui ai répondu que je verrais, que ce serait formidable.

Une fois les derniers humains partis, j’ai ressenti un profond soulagement.

Je me serais bien jetée dans un fauteuil pour lire pendant une demi-heure ou regarder un épisode de Jeopardy ! avant de commencer à ranger. Mais il me restait deux hôtes dans la cuisine. J’y suis donc retournée d’un pas martial, les bras chargés d’assiettes et de tasses.

À ma grande surprise, Dermot avait disparu. Je n’avais pas remarqué sa voiture repartant dans l’allée, mais il avait dû se mêler aux derniers convives. Maître Cataliades était toujours assis sur la même chaise, en train de boire un café. Il avait porté son assiette à l’évier – il ne l’avait certes pas lavée, mais le geste était là.

— Bon. Tout le monde est parti. Vous n’avez pas dévoré Dermot, n’est-ce pas ?

Son visage s’est fendu d’un large sourire.

— Non, ma chère mademoiselle Stackhouse, pas du tout. Il serait pourtant certainement très goûteux. Le sandwich au jambon était délicieux.

— Tant mieux, ai-je répondu automatiquement. Écoutez, monsieur Cataliades, j’ai trouvé une lettre de ma grand-mère. Je ne suis pas certaine de comprendre la nature de notre relation. Ou plutôt, je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « sponsor ».

Son sourire s’est encore élargi.

— Bien que je sois légèrement pressé par le temps, je vais tenter de dissiper votre confusion.

Je me demandais pourquoi il était pressé, et s’il était toujours en fuite. Mais je n’allais pas me laisser distraire de mon objectif.

— Bon, ai-je repris. Je vais vous répéter ce que j’ai compris, et vous me direz si tout est bon.

Il a approuvé d’un signe de son crâne sphérique.

— Vous étiez un bon ami de mon grand-père biologique, Fintan. Le frère de Dermot.

— En effet. Le jumeau de Dermot.

— Mais vous semblez ne pas avoir d’affection pour Dermot.

Il a eu un geste d’indifférence.

— Effectivement.

J’ai failli me lancer sur ce sujet-là, mais je suis revenue à mes moutons.

— Bien. Fintan était toujours de ce monde lorsque Jason et moi sommes nés.

Desmond Cataliades a hoché la tête avec enthousiasme.

— C’est tout à fait cela.

— Ma grand-mère a dit dans sa lettre que vous aviez rendu visite à mon père et à sa sœur, les véritables enfants de Fintan.

— Oui, j’y suis allé.

— D’accord. Leur avez-vous donné un cadeau ?

— J’ai essayé. Mais vous ne pouviez pas tous l’accepter. Vous ne disposiez pas tous de l’étincelle essentielle.

Niall avait employé une expression similaire, l’étincelle d’essence faérique.

— Qu’est-ce que c’est, l’étincelle essentielle ?

— Quelle question intelligente ! s’est exclamé Maître Cataliades, comme si j’étais un singe qui venait d’ouvrir une trappe pour attraper une banane. Le don que j’ai offert à mon cher ami Fintan est le suivant : ceux, parmi ses descendants humains, qui posséderaient l’étincelle essentielle seraient à même de lire dans les pensées de leurs congénères humains, tout comme je le fais.

— Or donc, quand vous avez découvert que ni mon père, ni Tante Linda ne l’avaient, vous êtes revenus à la naissance de Jason et à la mienne.

Il a acquiescé.

— Il n’était pas véritablement nécessaire de vous voir : le don avait déjà été transmis. Mais je voulais être certain et je suis venu vous voir tous les deux. J’étais exalté, lorsque je vous ai tenue dans mes bras – mais je pense avoir effrayé un peu votre grand-mère.

— Il n’y a donc que moi et…

Je me suis interrompue juste à temps. C’était lui qui avait rédigé le testament de Hadley, et elle n’avait pas mentionné le nom de Hunter. Il était donc fort possible qu’il ne sache pas que Hadley avait eu un enfant.

— … pour l’instant, je suis la seule à l’avoir. Mais vous ne m’avez toujours pas expliqué ce qu’est l’étincelle.

Il a levé un sourcil, comme pour signifier que j’étais dure en affaires.

— L’étincelle essentielle n’est pas facile à définir en termes d’ADN. Il s’agit d’une faculté d’ouverture à l’autre monde. Pour certains humains, il est littéralement impossible de croire en l’existence de créatures vivant dans un monde autre que le nôtre, de créatures qui ont des sentiments, des droits, des croyances, et qui ont le droit de vivre comme elles l’entendent. Les humains nés avec cette étincelle sont nés pour vivre ou accomplir quelque chose de merveilleux, quelque chose de stupéfiant.

Ouais. J’avais bien vécu quelque chose de complètement stupéfiant la nuit précédente, mais quant à dire merveilleux…Sauf si on détestait les vampires, bien évidemment.

— Gran avait l’étincelle, ai-je conclu soudain. Alors Fintan a pensé qu’il la trouverait chez l’un de nous.

— Naturellement. Mais bien sûr, il n’a jamais souhaité que je lui offre mon cadeau.

Maître Cataliades a couvé le réfrigérateur d’un air mélancolique et je me suis levée pour lui préparer un autre sandwich au jambon. Cette fois-ci, j’ai émincé de la tomate sur une petite assiette. Il a empilé chaque tranche sur le sandwich avant de dévorer le tout avec son élégance habituelle, sans en faire tomber une miette – ça, c’était du surnaturel !

Il s’est interrompu à mi-chemin pour reprendre :

— Fintan adorait les êtres humains – les femmes en particulier. Et parmi celles-ci, tout spécialement celles qui étaient animées de l’étincelle essentielle. Il est rare d’en trouver une. Il adorait Adèle à tel point qu’il a installé le portail dans les bois, afin de pouvoir lui rendre visite plus facilement. Je suis navré de le dire, mais il s’est montré suffisamment espiègle pour…

Et ce fut à son tour de s’arrêter, mal à l’aise, pour chercher ses mots.

— Il lui arrivait d’endosser l’identité de mon grand-père pour vérifier son efficacité, ai-je terminé pour lui. Dermot a reconnu Fintan sur certaines photos de famille.

— C’était très vilain de sa part…

— En effet, c’était vraiment vilain, ai-je répliqué d’un ton lourd de sous-entendus.

— Lorsque votre père est né, il nourrissait de grands espoirs. Je suis arrivé le lendemain pour l’inspecter, mais il était tout à fait normal, même s’il était très séduisant, avec un grand charisme, comme tous les mi-faé. Avec Linda, le second enfant, il en fut de même. Et d’ailleurs, je suis navré, pour le cancer. Ça n’aurait jamais dû lui arriver. Je mets ceci sur le compte de l’environnement. Elle aurait dû bénéficier d’une santé parfaite tout au long de sa vie. Même chose pour votre père, d’ailleurs, si ces conflits terribles n’avaient pas éclaté entre les faés. La santé de Linda n’aurait peut-être pas souffert si Fintan avait survécu. Adèle a bien cherché à le joindre, pour lui demander s’il pouvait faire quelque chose pour Linda, mais il avait déjà trépassé entre-temps.

— Je me demande pourquoi elle n’a pas employé le cluviel d’or pour guérir le cancer de Tante Linda.

— Je n’en sais rien, a-t-il répondu avec regret. Connaissant Adèle, j’imagine qu’elle a estimé que ce ne serait pas chrétien. Il est même possible qu’elle ait oublié son existence, ou qu’elle ait considéré qu’il s’agissait d’un simple gage d’amour et rien d’autre. Quand la maladie de sa fille s’est déclarée, cela faisait déjà bien des années que je lui avais donné ce cadeau de la part de Fintan.

J’ai pris un temps pour réfléchir aux grandes lignes de la conversation et déterminer ce que j’avais réellement appris.

— Mais qu’est-ce qui vous a pris, d’estimer que la télépathie serait un si beau cadeau ? ai-je soudain laissé échapper.

Pour la première fois, il a semblé légèrement vexé.

— J’ai pensé que, par rapport à leurs congénères, ce serait un avantage pour les descendants de Fintan, tout au long de leur vie, que de savoir ce que les autres pensaient et préparaient, a-t-il expliqué. Et puisque je suis presque entièrement un démon, et que j’étais en mesure de le faire, j’ai pensé qu’il s’agissait d’un cadeau formidable. Ce serait merveilleux, même pour un faé ! Si votre arrière-grand-père avait su que les hommes de main de Breandan avaient décidé de le tuer, il aurait étouffé la rébellion dans l’œuf. S’il avait su qu’on lui tendait un piège, votre père aurait pu se sauver, ainsi que votre mère, de la noyade.

— Mais ça n’a pas été le cas.

— Les faé pure souche ne sont pas télépathes. Ils sont parfois en mesure d’émettre un message mais ne peuvent entendre la réponse. Et votre père n’avait pas l’étincelle.

J’avais la nette impression de tourner en rond.

— Bien. Revenons à l’essentiel : vous étiez super copains, alors Fintan vous a demandé de donner un cadeau à ses descendants, à lui et à Adèle, et de devenir leur…notre sponsor.

Maître Cataliades a souri en retour.

— C’est exact.

— Et vous étiez d’accord, et vous avez pensé que la télépathie serait un cadeau super chouette.

— Exact, encore une fois. Il semble néanmoins que je me sois trompé.

— Effectivement. Et vous avez offert ce don d’une façon mystérieusement démoniaque.

— Ce n’était pas si mystérieux, m’a-t-il interrompue, indigné. Adèle et Fintan ont chacun bu un dé à coudre de mon sang.

J’avais franchement du mal à imaginer ma grand-mère se prêter à ce jeu-là ! Mais il fallait bien avouer que je ne l’aurais jamais imaginée en train de fréquenter un faé non plus. Et en fait, il était devenu évident que si j’avais bien connu ma grand-mère à certains égards, d’autres côtés de sa vie m’étaient totalement étrangers.

— Je l’avais versé dans du vin, et je lui ai dit qu’il s’agissait d’un cru exceptionnel, a avoué Maître Cataliades. Dans un certain sens, c’était la vérité.

— Très bien. Vous avez donc menti. Je n’en suis pas surprise. Gran était pourtant loin d’être idiote. Elle avait dû avoir des soupçons.

J’y réfléchirais plus tard. J’ai agité les mains devant moi.

— Bon, d’accord. Alors puisqu’ils avaient tous deux ingéré votre sang, tous leurs descendants auraient été télépathes s’ils avaient eu l’étincelle essentielle.

— Exact ! s’est-il exclamé avec un large sourire, comme si j’avais eu un vingt sur vingt à un contrôle.

— Et ma grand-mère n’a jamais utilisé le cluviel d’or.

— Non. On ne peut l’employer qu’une seule fois. C’était un très joli présent de Fintan pour Adèle.

— Je peux m’en servir pour éliminer la télépathie ?

— Non, ma chère. Ce serait comme si vous vouliez faire disparaître votre rate ou vos reins. Mais c’est une idée intéressante.

Je ne pouvais donc pas aider Hunter. Ni moi-même. Flûte.

— Je peux tuer quelqu’un ?

— Naturellement, si la personne met en péril quelqu’un que vous aimez. Directement. Vous ne pourriez pas causer la mort de votre inspecteur des impôts… sauf s’il menaçait votre frère avec une hache, par exemple.

— Le fait que Hadley finisse avec Sophie-Anne, reine de Louisiane, c’était une coïncidence ?

— Pas tout à fait, car elle avait du sang faé et, comme vous le savez, les vampires adorent cela. Dans votre cas, ce n’était qu’une question de temps, avant qu’un vampire vienne au bar et vous aperçoive.

— C’est la reine, qui l’avait envoyé.

— Tiens donc.

Il ne montrait pas la moindre surprise.

— La reine ne m’a jamais posé de questions sur le don, a-t-il poursuivi, et je ne lui ai jamais révélé que j’étais votre sponsor. Elle n’a jamais prêté beaucoup d’attention au monde des faés – sauf quand elle souhaitait boire du sang de faé. Elle ne s’est jamais souciée de l’identité de mes amis, ni de la façon dont je vivais ma vie.

— Alors qui est à votre poursuite, en ce moment ?

— Question très pertinente, ma chère, mais je ne puis y répondre. Et d’ailleurs, je perçois leur approche depuis une heure, et je dois prendre congé. J’ai remarqué des boucliers de protection particulièrement efficaces sur votre maison, et je vous en félicite. Qui les a posés ?

— Bellenos. Un elfe. Il travaille au Hooligans, un club de Monroe.

— Bellenos, a répété Maître Cataliades, pensif. C’est mon cousin au cinquième degré, du côté de ma mère, il me semble. Au fait, j’y pense : en aucun cas vous ne devez révéler à cette bande de canailles du Hooligans que vous détenez le cluviel d’or. Ils vous tueraient pour s’en emparer.

— Que me conseillez-vous d’en faire ? ai-je demandé, plutôt curieuse.

Il s’était levé et lissait la veste fauve de son costume d’été. Lorsque je l’avais fait entrer, j’avais remarqué qu’il ne transpirait pas, malgré la chaleur et son embonpoint.

— Et où se trouve Diantha ? ai-je ajouté.

Sa nièce et lui étaient des opposés. J’avais beaucoup d’affection pour elle.

— Loin d’ici et en sécurité, m’a-t-il répondu sèchement. Quant au cluviel d’or, je ne peux vous conseiller. J’en ai déjà suffisamment fait, apparemment.

Et il s’est évanoui sans un mot de plus par la porte de derrière. J’ai brièvement aperçu son corps lourd se déplaçant à travers le jardin à une vitesse foudroyante et il a disparu.

Eh bien… En plus, je n’avais plus de jambon.

Quelle conversation instructive. Par certains côtés. Maintenant, j’en savais plus sur mes origines. Je savais que ma télépathie était une sorte de cadeau Baby Shower pré-grossesse, offert par Desmond Cataliades à son ami Fintan le faé et à ma grand-mère. Une révélation pour le moins étourdissante…

Après avoir fini d’y penser – ou tout du moins d’y réfléchir autant que je pouvais le supporter, je suis passée à la remarque de Cataliades sur les « canailles » du Hooligans. Il n’avait que mépris pour ce rassemblement d’exilés. Je me demandais vraiment ce que faisaient les faés à Monroe, ce qu’ils préparaient, ce qu’ils complotaient. Ça ne me disait rien de bon. Et enfin, j’ai repensé à Sandra Pelt, qui courait toujours, déterminée à me voir mourir.

Une fois mes neurones épuisés, j’ai laissé mes mains prendre le contrôle des opérations. J’ai rangé les restes de nourriture, les prélevant dans les jolis plats de service pour les glisser dans des sacs en plastique. Puis j’ai lavé le tout et les saladiers en verre taillé. J’étais en train de les rincer lorsque j’ai aperçu comme deux trainées grises traversant mon jardin à la vitesse de l’éclair. Je ne reconnaissais pas les créatures et j’ai failli appeler les services de la fourrière. Puis j’ai compris qu’elles étaient à la poursuite du juriste mi-démon.

Elles devaient déjà être loin. En outre, il aurait été très imprudent d’essayer d’approcher des êtres capables de se mouvoir avec une telle rapidité pour les attirer dans une cage à l’arrière d’un pickup. J’espérais simplement que Maître Cataliades portait de bonnes chaussures de course. Je n’avais pas pensé à vérifier.

Ayant terminé le ménage, je me suis changée pour enfiler un jean coupé et un débardeur couleur chocolat. C’est à ce moment que Sam a appelé. Je n’entendais pas de bruits de fond derrière lui. Pas de glaçons s’entrechoquant dans les verres, pas de jukebox, aucun brouhaha de conversation. Il devait se trouver dans son mobile home. Mais nous étions samedi, tard dans l’après-midi, à une heure où les affaires au Merlotte commençaient à battre leur plein. Un rendez-vous avec Jannalynn peut-être ?

— Sookie, m’a-t-il saluée d’un ton étrange.

Mon estomac s’est noué immédiatement.

— Tu peux venir en ville ? Viens chez moi, quelqu’un a déposé un paquet pour toi au bar.

— Qui ça ?

Le miroir du séjour me renvoyait mon reflet et j’avais l’air tendu, effrayé.

— Je ne le connais pas, a répondu Sam. Mais c’est une très belle boîte, avec un gros nœud. Peut-être que tu as un admirateur secret, a-t-il poursuivi en appuyant sur ces derniers mots, lourds de sous-entendus.

— Je crois que je sais qui c’est, l’ai-je assuré en me forçant à parler avec légèreté. D’accord, Sam, j’arrive. Oh, attends ! Tu pourrais l’apporter ici ? Je suis en plein ménage, à cause de la fête. Ici, ce serait plus calme.

— Attends, je vérifie, a dit Sam.

J’ai entendu qu’il recouvrait son récepteur de sa main et le bruit étouffé d’une conversation m’est parvenu, sans autre détail.

— Impeccable, a-t-il repris, alors que son ton indiquait qu’il n’y avait rien d’impeccable. On part dans quelques minutes.

— Super ! me suis-je exclamée, satisfaite – j’aurais ainsi le temps de préparer un certain accueil. À tout à l’heure.

Après avoir raccroché, j’ai pris quelques secondes pour réfléchir, puis je me suis ruée sur le placard de l’entrée pour prendre mon fusil et vérifier qu’il était en état de marche. J’ai décidé ensuite de me dissimuler dans les bois, pour avoir l’avantage de la surprise. Après avoir lacé mes baskets, je suis sortie par l’arrière, contente d’avoir mis un haut de couleur sombre.

Ce n’est pas le pick-up de Sam, qui a remonté l’allée, mais la petite voiture de Jannalynn. Cette dernière était au volant, Sam à son côté, et quelqu’un d’autre à l’arrière.

Jannalynn est sortie la première, examinant les alentours avec attention. Elle pouvait parfaitement me sentir et savait que j’étais là. Elle détectait certainement l’odeur de mon arme également. Elle a souri. C’était un sourire sinistre. Elle espérait que j’allais tirer sur la personne qui les avait forcés à venir et que je la tuerais.

Bien évidemment, la personne qui les menaçait de son fusil, la personne assise sur la banquette arrière, n’était autre que Sandra Pelt. Elle est sortie, une carabine à la main.

Après avoir pris ses distances, elle l’a pointée sur la voiture. Puis Sam a émergé à son tour, la ligne tendue dessinée par ses épaules révélant toute la fureur qui l’animait.

Il ne s’était écoulé que quelques jours depuis que je l’avais vue en dernier, mais Sandra semblait déjà plus âgée, plus maigre et plus démente. Elle avait teint ses cheveux en noir, assorti à ses ongles. J’aurais plaint n’importe qui d’autre dans la même situation – ses parents étaient morts, sa sœur aussi, et elle souffrait de troubles mentaux. Mais ma pitié se volatilise, lorsqu’on menace les gens que j’aime avec un fusil.

— Allez, Sookie, sors de là ! a crié Sandra. Viens par ici ! Je te tiens maintenant, espèce de merde !

Sans se faire remarquer, Sam s’est déplacé vers la droite de Sandra, se tournant légèrement pour lui faire face. Jannalynn, elle aussi, a commencé à contourner la voiture.

Craignant de perdre le contrôle de la situation, Sandra s’est mise à hurler à leur encontre.

— Stop ! On ne bouge plus ! Sinon je vous tire dessus ! Toi, la pétasse ! Tu veux pas que je lui explose la tête, à ton petit chien-chien chéri, si ?

Jannalynn a secoué la tête. Elle portait un short et un tee-shirt du Hair of the Dog. Ses mains étaient pleines de farine. Elle devait être en train de faire la cuisine avec Sam lorsqu’on les avait interrompus.

Je pouvais laisser la situation s’envenimer, ou prendre les choses en main. J’étais trop loin, mais je devais risquer le tout pour le tout. Sans répondre à Sandra, j’ai fait un pas en avant pour sortir du bois et j’ai tiré.

Le rugissement de mon Benelli, provenant d’une direction inattendue, a pris tout le monde par surprise. J’ai vu des taches rouges apparaître sur le bras et la joue gauches de Sandra, et elle a trébuché sous le choc. Mais ce n’était rien pour une Pelt, et rien ne l’arrêterait. Elle a relevé son arme pour me viser. Sam a bondi vers elle mais Jannalynn est arrivée en premier. Saisissant le fusil à pleines mains, elle l’a arraché à Sandra, le projetant au loin du même geste. Le pugilat avait débuté. Je n’avais jamais vu deux personnes se battre avec autant d’intensité. Malgré tout ce que j’avais vécu récemment, ce qui n’était pas peu dire.

À cause du corps-à-corps, je ne pouvais plus risquer de tirer sur Sandra. Petites, minces et musclées, les deux femmes étaient à peu près de la même taille. Mais Jannalynn était une guerrière née, alors que l’expérience de Sandra se limitait aux simples bagarres. Sam et moi tournions autour d’elles, alors qu’elles échangeaient coups et morsures, s’arrachant des poignées de cheveux, s’administrant tout ce que deux combattants peuvent s’infliger, essuyant chacune des dommages considérables. Après quelques secondes seulement, le flanc de Jannalynn avait rougi, et le flot de sang provenant des blessures par balles de Sandra s’était accéléré. Sam a avancé le bras dans la mêlée – c’était comme s’il avait tenté de se glisser entre les lames d’un ventilateur – pour attraper la chevelure de Sandra et tirer dessus. Avec un cri de démente, elle lui a lancé un coup de poing en pleine figure. Il ne l’a pas lâchée pour autant, alors qu’elle lui avait probablement brisé le nez.

Je me suis sentie obligée de participer – tout était de ma faute, après tout – et j’ai attendu mon tour. Curieusement, j’ai repensé au saut à la corde, en primaire, quand deux d’entre nous faisions tourner la corde et que j’attendais le bon moment pour sauter. À la première occasion, j’ai bondi dans la mêlée, attrapant la première chose passant à ma portée : le bras gauche de Sandra. Bloquée dans sa lancée, elle ne pouvait plus abattre le poing qu’elle destinait au visage de Jannalynn. Cette dernière a fermé ses petits poings durs comme de la pierre, avant d’assommer brutalement Sandra Pelt.

Soudain, je ne tenais plus que l’épaule d’une femme dont le corps avait perdu toute consistance. Je l’ai lâchée, et elle est tombée à terre. Sa tête penchait bizarrement.

Jannalynn lui avait rompu le cou. Je ne savais pas si Sandra était toujours en vie.

— Oh, merde, a énoncé Jannalynn plaisamment. Bordel de merde. Mince alors.

— Amen, a répondu Sam.

J’ai éclaté en sanglots, au grand mépris de Jannalynn.

— Je sais, je sais, me suis-je exclamée, éperdue. Mais j’ai vu tellement de personnes se faire tuer hier soir ! Ça fait simplement une personne de trop, c’est tout ! Je suis désolée !

Je crois bien que si Jannalynn n’avait pas été présente, Sam m’aurait serrée contre lui.

En tout cas, il y a pensé, et c’était ça l’important.

— Oh, elle n’est pas complètement partie, a fait remarquer Jannalynn après avoir examiné la forme inerte de Sandra un instant.

Puis, avant que Sam ou moi puissions réagir, elle s’est agenouillée auprès de Sandra, fermant ses deux poings pour les abattre sur le crâne de Sandra.

C’était fini.

Au-dessus du cadavre, Sam m’a lancé un regard. Je ne savais ni que dire, ni que faire.

Je suis certaine que mon visage reflétait mon désarroi.

— Voilà, voilà, a conclu Jannalynn d’un ton léger, en se frappant les mains de l’air de quelqu’un qui vient d’en finir avec une tâche déplaisante. Qu’est-ce qu’on fait du corps ?

J’allais sans doute envisager de faire construire un crématorium dans mon jardin.

Par acquit de conscience, j’ai cru bon de suggérer une autre solution :

— Et si on appelait le shérif ?

Sam n’y tenait visiblement pas.

— Ce ne serait pas bon pour le bar, vu les circonstances actuelles. Je suis désolé mais je suis obligé d’y penser.

— Elle vous a quand même pris en otage.

— Aucune preuve.

Effectivement.

Puis Jannalynn est intervenue.

— Je crois que personne ne nous a vus quitter le bar avec elle. Elle était sur la banquette arrière et elle s’est baissée.

— Sa voiture est toujours garée chez moi, a fait remarquer Sam.

— Moi, je connais un endroit où personne ne la trouvera jamais, me suis-je entendue dire – à ma grande surprise.

— Ah bon ? Où ça ? a demandé Jannalynn.

Elle a levé le regard vers moi. J’y ai lu que nous ne serions jamais les meilleures amies du monde, et qu’aucune des deux ne ferait de manucure à l’autre. Oh la la, quel dommage.

— On va la jeter par le portail.

— Hein ? s’est exclamé Sam, qui fixait toujours le corps avec une mine de dégoût prononcée.

— Par le portail des faés.

Jannalynn m’a regardée, bouche bée.

— Il y a des faés ici ?

— Pas en ce moment, pas précisément. C’est difficile à expliquer, mais j’ai un portail dans mes bois.

— Alors là, toi, tu es vraiment… a-t-elle commencé, ne sachant comment finir sa phrase.

— … Surprenante, a-t-elle terminé.

— C’est ce qu’on dit.

Jannalynn saignait toujours. Je me suis donc baissée pour prendre les pieds de Sandra.

Sam s’est chargé de ses épaules. Il semblait maintenant moins bouleversé. Son nez cassé le forçait à respirer par la bouche.

— C’est par où ?

— À peu près cinq cents mètres, par-là, lui ai-je répondu en pointant du menton – j’avais les mains occupées.

Nous nous sommes donc mis en chemin, cahin-caha. Le sang ne gouttait plus et elle était plutôt légère. Le trajet s’est passé aussi bien que faire se peut quand on transporte un corps à travers bois.

— Je crois bien qu’au lieu d’appeler mon chez-moi « Le Domaine Stackhouse », je vais l’appeler « La Ferme des Corps », ai-je fait remarquer.

— Comme au Tennessee ? a demandé Jannalynn, à mon grand étonnement.

— C’est ça.

— C’est le titre d’un livre de Patricia Cornwell, non ? a poursuivi Sam.

J’ai bien failli sourire. C’était une conversation étrangement civilisée, dans les circonstances. J’étais peut-être encore un peu engourdie par les événements de la nuit précédente. Ou alors, je commençais à me blinder pour survivre au monde qui m’entourait.

Quoi qu’il en soit, le cas Sandra ne me paraissait plus si important. La vendetta personnelle qu’entretenait la famille Pelt contre moi, sans raison véritable et depuis si longtemps, était parvenue à son terme.

Et j’ai soudain compris ce qui m’avait affectée le plus dans le cauchemar de la nuit précédente : ce n’étaient pas tant les morts individuelles que l’horreur absolue d’assister à un tel niveau de violence inouïe. Et dans le cas présent, c’était le principe même de l’exécution perpétrée par Jannalynn qui me dérangeait le plus. J’avais l’impression qu’il en allait de même pour Sam, d’ailleurs…

Nous avons finalement atteint la petite clairière. J’ai aperçu avec soulagement la légère distorsion de l’air indiquant l’emplacement du portail menant vers le monde de Faérie. Je l’ai montrée du doigt en silence – comme si les faés pouvaient m’entendre, ce qui était peut-être le cas. Après un instant, Jannalynn et Sam ont repéré ce que je voulais leur montrer. Ils l’ont considéré avec curiosité, et Jannalynn y a même introduit un doigt, qui a disparu instantanément. Elle a retiré sa main avec un cri, pour s’apercevoir avec un soulagement manifeste que son doigt y était toujours attaché.

— À trois, ai-je annoncé.

Sam a acquiescé. Il a lâché l’extrémité du corps pour venir le saisir par le côté et, comme si nous l’avions fait toute notre vie, nous avons introduit le cadavre dans l’ouverture magique, petit à petit. Si le corps avait été plus grand, nous n’aurions pas réussi.

Puis nous avons attendu.

Le corps n’a pas été recraché de notre côté. Personne n’est sorti en bondissant, l’épée à la main, afin de nous massacrer pour avoir osé profaner le monde des faés. Au lieu de cela, des bruits sauvages et des grognements nous sont parvenus. Nous nous tenions immobiles, les yeux écarquillés et les muscles tendus, certains que quelque chose sortirait et que nous devrions combattre.

Mais rien n’est apparu. Les sons ont continué, très explicites : déchirements, lacérations, feulements… et d’autres, si révoltants que je n’essaierai même pas de les décrire. Puis le silence est tombé. J’en ai déduit qu’il ne restait plus le moindre petit bout de Sandra à croquer.

Épuisés, nous sommes retournés à travers les arbres vers la voiture. Sam s’est empressé de refermer ses portières toujours ouvertes pour interrompre l’alarme. Le sol était couvert de taches de sang. J’ai déroulé le tuyau d’arrosage avant d’ouvrir le robinet. Sam a nettoyé le tout, en profitant pour rincer la voiture de Jannalynn. Dans un geste qui m’a retourné les tripes – encore un – Jannalynn a redressé le nez cassé de Sam. Il a hurlé et ses yeux se sont mis à pleurer, mais je savais que la fracture guérirait correctement.

L’arme de Sandra nous posait plus de problèmes que son corps. Je n’allais pas me servir du portail comme d’un vide-ordures – car c’était bien ainsi que j’avais ressenti le fait d’y introduire le cadavre. Après une discussion houleuse, Jannalynn et Sam ont décidé de la jeter dans les bois en revenant chez Sam. J’imagine que c’est ce qu’ils ont fait.

Et je suis restée seule chez moi, après deux journées d’horreur incroyable.

Incroyablement horrifiantes ? Horriblement incroyables ? Impossible de me décider…

Assise dans la cuisine, un livre ouvert posé sur la table devant moi, j’étais perdue dans mes pensées. Le soleil éclairait encore le jardin, mais les ombres s’allongeaient.

Le cluviel d’or m’est revenu à l’esprit. Je n’avais pas pu l’utiliser tout à l’heure dans le jardin. Devais-je le porter sur moi, à chaque heure de la journée ?

Puis je me suis demandé si les choses grises avaient fini par rattraper Maître Cataliades. Serais-je attristée si c’était le cas ?

Les vampires avaient-ils pu éliminer toute trace du massacre au Fangtasia, à temps pour l’ouverture ? Peut-être devrais-je appeler le bar pour m’en assurer. À cette heure-ci, ce seraient les humains qui me répondraient : Mustapha Khan, et peut-être son copain, Warren.

Éric avait-il appelé Felipe pour lui parler de la disparition du Régent de la Louisiane ?

Avait-il écrit à la Reine de l’Oklahoma ?

Peut-être le téléphone sonnerait-il à la tombée de la nuit. Peut-être pas. Et d’ailleurs, je ne savais pas ce que je préférerais.

J’ai donc fait quelque chose de tout à fait ordinaire.

Je suis allée pieds nus dans mon séjour, un grand verre de thé glacé à la main. J’allais enfin me regarder les épisodes de Jeopardy ! que j’avais enregistrés.

Pour deux cents points, qui veut tenter la catégorie Créatures de Cauchemar ?

FIN



[1] Émission équivalente à Un trésor dans votre maison dans laquelle des particuliers rencontrent des professionnels afin de faire estimer la valeur des meubles, bijoux et objets qu’ils ont entassés au fil des ans. (N.d.T.)

[2] « Chez Vic – Le routier des péquenots » (N.d.T.)

[3] Jeu à boire américain. (N.d.T.)

[4] « Amenez donc un beauf ». (N.d.T.)

[5] « Tabernacle de la parole »

[6] « Mode mortelle » (N. d. T.)

[7] « Fight Like a Girl », littéralement « Battez-vous comme une fille », est une association de lutte contre le cancer.

[8] Les femmes de l’ère victorienne y rangeaient les cheveux retenus par leur brosse. (N.d.T.)

[9] Aussi nommé achigan, ce poisson est recherché dans la pêche sportive en eau douce car il est très combatif. Les pêcheurs francophones le connaissent sous le nom de black-bass. (N.d.T.)

 

[10] Enregistreur vidéo.

[11] Célèbres musiciens de Blues.

[12] Une Baby Shower Party est une tradition américaine qui consiste à organiser une fête entre copines avant l'arrivée de bébé

[13] Célèbre équipe américaine de baseball, Anaheim, Californie ; littéralement « anges de Californie », par opposition aux « Hell’s Angels », les « anges de l’enfer », plus loin dans le texte. (N.d.T.)

[14] Avec l'installation de colons blancs dans la région de l'actuel Oklahoma, le gouvernement fédéral établit le Dawes Act en 1887, approfondi par le Curtis Act en 1898. Cette loi distribuait les terres tribales aux familles amérindiennes et encourageait leur mise en valeur agricole. La moitié des terres amérindiennes furent en réalité ouverte à la colonisation ou achetées par les compagnies de chemin de fer. La course à la terre (« Land Run » en anglais, course de cavaliers), commençait selon le principe du « premier arrivé, premier servi ». Ceux qui ne respectaient pas les règles en entrant dans le Territoire avant le départ officiel étaient appelés les sooners, terme qui devint le surnom de l'Oklahoma.